mardi 31 janvier 2017

Décomposition des partis, le Propagateur avril 1836



Propagateur de l’Aube
et de la Champagne
Lundi 11 et mardi 12  avril 1836



Décomposition des partis

« La décomposition des partis ne s’arrête pas ; nous l’avons annoncé des premiers, le ministère le reconnait. Les événements la rendent tous les jours plus évidente. Cette dissolution ne date pas d’hier ; elle ne s’achèvera ni aujourd’hui ni demain. Le temps qui forme les partis, peut seul les détruire et les transformer.
La destruction qui s’opère maintenant, dans un calme apparent, mais avec un malaise réel, agit sur des partis qui sont eux-mêmes  les débris d’une première décomposition. La majorité nationale, l’immense majorité qui a triomphé en juillet 1830, représentait la coalition des intérêts avec les principes nouveaux. Les intérêts se séparèrent violemment au 13 mars, et organisèrent une majorité dans la majorité ; les principes et les sentiments, après d’honorables efforts, durent céder le terrain dans cette guerre de paroles et de lois où la victoire appartient aux gros bataillons…
Chacun revint à ses affinités naturelles, les partis se fractionnèrent, et les individualités réduites à elles-mêmes perdirent leur force ainsi que leur relief. Une partie de l’opposition se prononça plus ouvertement pour les théories extrêmes ; une autre partie, et la plus nombreuse, moins préoccupée de la forme que du fond,  poursuivit ses plans de réforme en se renfermant dans les limites de la monarchie…
La séparation était encore beaucoup plus dans la nécessité des situations que dans les volontés des personnes. On hésitait à la confesser ; on s’efforçait de sauver les apparences ; on disait encore l’opposition quand il existait par le fait plusieurs oppositions ; on n’osait pas avoir une opinion à soi, indépendante des amitiés et des souvenirs…
Il ne restera pas grand-chose, aux prochaines élections, de cette vigoureuse impulsion donnée à la machine sociale par le pressentiment des journées de juillet. Les résultats accomplis demeurent avec un alliage adultère de mesures contre la liberté ; mais les opinons se renouvellent pour obéir à la loi providentielle du progrès.
Quand nous avançons que les anciens partis se décomposent et s’éteignent, nous n’imaginons point, comme on veut bien le dire, une réconciliation universelle. Sans doute, il y aura toujours des partis, tant que les opinions différeront ; et le moyen de ramener toutes les opinions à l’unité.
Toute décomposition des partis appelle une recomposition. C’est un travail déjà commencé, une tendance qu’aucune clameur ne détournera de son chemin.  Le parti qui aura l’avantage aux élections prochaines sera celui qui aura perdu le moins de temps à se reconstituer…qui sait parfaitement que si les principes sont absolus, ils ne s’appliquent jamais à la société dans toute leur rigueur, qui sait que cette application doit être progressive et telle que la comporte l’état social… Instruit par le malheur il  ne sépare pas les principes des intérêts, est gouvernemental, cela suffit pour empêcher beaucoup de mal, et même, pour faire aussi un peu de bien. »

Aucun commentaire: